5 nov. 2025

SRISK : comprendre le capital manquant avant la prochaine crise

Beyond Finance

Karim

Er-Rachdi

brown and white concrete building

5 nov. 2025

SRISK : comprendre le capital manquant avant la prochaine crise

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5 nov. 2025

SRISK : comprendre le capital manquant avant la prochaine crise

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Ce que vous allez retenir

SRISK

  • Calcule le capital manquant des banques en cas de krach

  • Combine fonds propres, endettement et pertes attendues (LRMES)

  • Vision globale : mesure la fragilité d'un système bancaire entier

  • A prédit les crises passées : Lehman (2008), dettes souveraines (2011), SVB (2023)

  • Protège les contribuables et guide les régulateurs dans leurs exigences en capital

Les crises financières ont un point commun : elles éclatent rarement là où on les attend, mais elles mettent toujours à l’épreuve la solidité des banques. En 2008 avec Lehman Brothers, en 2011 lors de la crise des dettes souveraines européennes, ou plus récemment avec la faillite de Credit Suisse absorbée par UBS, la même question revient : les banques ont-elles assez de capital pour résister à un choc violent des marchés ?

C’est pour répondre à cette question que le SRISK a été développé. Cet indicateur, qui signifie Systemic Risk via Capital Shortfall, évalue la quantité de capital qui manquerait à une institution financière en cas de crise sévère. Il ne s’agit pas seulement de savoir si une banque risque de perdre de l’argent, mais de mesurer combien il lui manquerait pour rester au niveau de sécurité exigé par les régulateurs.

Le cœur du problème : le capital

Une banque finance ses activités de deux façons principales :

  • ses fonds propres (Equity), c’est-à-dire l’argent investi par ses actionnaires et qui constitue un coussin de sécurité ;

  • son endettement (Leverage), qui amplifie les gains en période favorable mais augmente les pertes quand les marchés chutent.

Imaginons deux banques :

  • la première dispose de 50 milliards d’euros de fonds propres et d’un levier modéré ;

  • la seconde a seulement 20 milliards de fonds propres mais un endettement colossal.

En cas de crise, la première peut absorber plus facilement les pertes. La seconde, malgré une apparence de taille importante, risque d’être rapidement fragilisée. C’est cette vulnérabilité que le SRISK met en lumière.

Le rôle du LRMES

Le troisième ingrédient du SRISK est le LRMES (Long Run Marginal Expected Shortfall). Derrière ce nom technique se cache une idée intuitive : estimer les pertes attendues d’une banque si le marché global perd par exemple 40 % en six mois.

Pour calculer le LRMES, on utilise souvent des modèles de volatilité comme les GARCH, qui simulent le comportement des marchés financiers dans des scénarios extrêmes. On peut aussi recourir à des simulations historiques, en reproduisant les effets de crises passées sur les bilans actuels.

Le LRMES traduit en chiffres ce que chacun ressent instinctivement : certaines banques perdent beaucoup plus que d’autres quand les marchés s’effondrent.

De la banque individuelle au système entier

La force du SRISK, c’est qu’il n’évalue pas seulement une banque de manière isolée. Il peut aussi être agrégé pour mesurer le besoin en capital d’un pays entier, d’un secteur ou même de l’ensemble du système financier mondial.

C’est là que réside son intérêt pour les régulateurs :

  • À l’échelle micro, il permet d’identifier les banques les plus fragiles.

  • À l’échelle macro, il donne une estimation du capital shortfall global, c’est-à-dire la somme qui manquerait pour que tout le système reste solvable dans une crise majeure.

Autrement dit, le SRISK est un thermomètre qui mesure non seulement la fièvre d’un patient, mais aussi la santé de tout l’hôpital.

Des leçons tirées des crises passées

Après la faillite de Lehman Brothers en 2008, les chercheurs ont utilisé le SRISK pour montrer que certaines institutions présentaient déjà avant la crise des besoins en capital énormes. Mais faute d’outils comme celui-ci, ces signaux étaient invisibles aux yeux du grand public et parfois même des régulateurs.

En Europe, la crise des dettes souveraines de 2011–2012 a confirmé l’utilité du SRISK. Plusieurs grandes banques affichaient des valeurs négatives de capital en cas de stress, ce qui signifiait qu’elles auraient eu besoin d’aides publiques massives pour survivre. Ces résultats ont accéléré la mise en place de mécanismes de supervision bancaire renforcée, comme le Mécanisme de Résolution Unique au sein de l’Union européenne.

Plus récemment, lors de la pandémie de COVID-19, le SRISK a de nouveau servi de boussole. En simulant un scénario de chute prolongée des marchés, il a montré quelles banques européennes et américaines auraient eu besoin d’un soutien en capital si les marchés n’avaient pas rebondi grâce aux interventions massives des banques centrales.

Une boussole pour les régulateurs

Aujourd’hui, le SRISK est utilisé par des institutions académiques, mais aussi par les régulateurs et banques centrales. Il complète les stress tests traditionnels en apportant une vision systémique.

Aux États-Unis, il a mis en évidence la fragilité de certaines banques régionales avant la crise de 2023 qui a vu tomber la Silicon Valley Bank. En Europe, il continue d’éclairer les débats autour des ratios de fonds propres exigés par Bâle III et Bâle IV.

Pour les régulateurs, l’intérêt est double :

  1. Identifier les acteurs systémiques dont la faillite aurait un effet domino.

  2. Évaluer combien de capital devrait être mobilisé pour contenir une crise.

Pourquoi ça nous concerne tous

À première vue, le SRISK peut sembler technique et réservé aux chercheurs. Pourtant, ses implications sont très concrètes pour la société.

Quand une banque systémique manque de capital, ce sont souvent les États (et donc les contribuables) qui doivent intervenir pour éviter un effondrement généralisé. Un indicateur comme le SRISK permet d’anticiper ces situations, de renforcer la résilience du système bancaire et, à terme, de protéger l’économie réelle : l’épargne des ménages, le financement des entreprises, la stabilité de l’emploi.

Les nouveaux défis

Si le SRISK a été conçu à l’origine pour évaluer les banques traditionnelles, il pourrait aussi être adapté à de nouveaux risques :

  • Climat : que se passe-t-il si la transition énergétique entraîne une chute brutale de la valeur des actifs liés aux énergies fossiles ?

  • Fintechs et cryptos : certaines plateformes ont déjà montré leur vulnérabilité (ex. FTX). Comment mesurer leur shortfall de capital ?

  • Hausse des taux d’intérêt : le contexte actuel fragilise les portefeuilles obligataires des banques, comme l’a montré la crise de la Silicon Valley Bank.

Ces évolutions rappellent que le SRISK est un outil vivant, adaptable, qui doit évoluer avec les menaces financières de demain.

Conclusion

Le SRISK n’est pas une boule de cristal, mais il fournit une boussole essentielle pour naviguer dans les tempêtes financières. En combinant Equity, Leverage et LRMES, il traduit en un chiffre simple une réalité complexe : la capacité ou l’incapacité d’une banque à encaisser une crise.

En agrégeant ces chiffres, il révèle l’état de santé d’un système tout entier. Pour les décideurs publics, c’est un outil de vigilance. Pour les marchés, c’est un signal d’alerte. Pour la société, c’est une garantie que la prochaine crise coûtera peut-être moins cher aux contribuables.

À l’heure où les banques évoluent dans un environnement incertain  (taux élevés, inflation persistante, volatilité accrue), le SRISK rappelle une évidence : la résilience compte plus que la performance. Car au bout du compte, ce n’est pas seulement la survie d’une institution qui est en jeu, mais la stabilité de toute l’économie.