Ce que vous allez retenir
La limite de la VaR : elle mesure le risque individuel d'une institution mais ignore la contagion dans un système interconnecté
La CoVaR mesure le risque systémique : elle évalue l'impact qu'aurait la défaillance d'une banque sur l'ensemble du système financier
Applications concrètes : identification des institutions "too big to fail", ajustement des fonds propres requis et détection précoce des crises
Ses limites : dépendance aux données historiques et difficulté à prévoir les événements inédits comme les pandémies
Pourquoi mesurer le risque ne suffit plus
Dans le monde financier, mesurer le risque est aussi essentiel que surveiller le niveau d’huile d’un moteur. Depuis les années 1990, les institutions financières se sont appuyées sur un indicateur de référence : la Value at Risk (VaR).
Cet indicateur répond à une question simple : quelle est la perte maximale que je peux subir, avec un certain niveau de confiance, sur une période donnée ?
Par exemple, une banque peut estimer qu’elle ne perdra pas plus de 10 millions d’euros, avec une probabilité de 95 %, sur les dix prochains jours.
Mais cette approche, aussi utile soit-elle, présente une limite importante : elle mesure le risque individuel d’un acteur, sans tenir compte de l’interdépendance entre les institutions.
Or, dans un système financier interconnecté, la défaillance d’une seule grande banque peut entraîner tout le système dans sa chute. C’est ce qu’on appelle le risque systémique.
C’est précisément pour mieux comprendre et mesurer ce risque collectif qu’a été introduite la Co-Value at Risk (CoVaR).
La CoVaR : un indicateur de contagion financière
La CoVaR a été développée en 2011 par deux économistes, Tobias Adrian et Markus Brunnermeier.
Leur idée part d’un constat : pour évaluer la stabilité d’un système financier, il faut comprendre comment le risque d’une institution donnée se propage aux autres.
La CoVaR répond donc à cette question : Quelle serait la Value at Risk du système financier si une institution donnée était en difficulté ?
Autrement dit, la CoVaR mesure le risque conditionnel :
la VaR classique évalue le risque propre d’une institution ;
la CoVaR évalue le risque du système lorsque cette institution subit un choc.
On peut illustrer cela simplement.
Imaginez un grand lac représentant le système financier, sur lequel flottent plusieurs bateaux : les banques, les assurances, les fonds. Si l’un d’eux commence à couler, il crée des vagues susceptibles de déstabiliser les autres.
La VaR mesure la probabilité qu’un bateau coule.
La CoVaR, elle, mesure l’ampleur des vagues que cela provoque sur les autres bateaux.
Comment la CoVaR se calcule
Sans entrer dans les détails mathématiques, voici le principe général du calcul :
Calculer la VaR d’une institution A, c’est-à-dire la perte extrême qu’elle pourrait subir.
Observer comment cette perte influence le reste du système financier.
Estimer la CoVaR du système conditionnée à la détresse de cette institution A.
En notation, cela s’écrit généralement :
CoVaRsystem∣A\text{CoVaR}^{\text{system}|A}CoVaRsystem∣A
Pour mesurer la contribution de l’institution A au risque systémique, on calcule la différence suivante :
ΔCoVaR=CoVaRsystem∣A en deˊtresse−CoVaRsystem∣A normal\Delta \text{CoVaR} = \text{CoVaR}^{\text{system}|A\ en\ détresse} - \text{CoVaR}^{\text{system}|A\ normal}ΔCoVaR=CoVaRsystem∣A en deˊtresse−CoVaRsystem∣A normal
Plus cette différence est grande, plus l’institution A est considérée comme systémique, car sa défaillance accroît fortement le risque global.
À quoi sert concrètement la CoVaR ?
4.1. Identifier les institutions systémiques
Les régulateurs, comme la Banque Centrale Européenne ou la Réserve fédérale américaine, utilisent la CoVaR pour repérer les institutions les plus contagieuses.
Une banque dont la CoVaR est très élevée n’est pas seulement risquée pour elle-même : elle l’est pour l’ensemble du système.
Cela permet de déterminer les fameuses institutions dites too big to fail (trop grandes pour faire faillite).
4.2. Ajuster les exigences en capital
Si une institution est jugée très risquée pour le système, les régulateurs peuvent lui imposer des exigences de fonds propres plus élevées. Cela vise à réduire la probabilité qu’un choc sur cette institution se propage au reste du système.
4.3 Orienter les décisions d’investissement
Les gestionnaires de portefeuille peuvent également utiliser la CoVaR pour évaluer les interdépendances entre différents secteurs financiers : banques, assurances, hedge
funds, etc. Un portefeuille diversifié n’est réellement sûr que si ses composantes ne chutent pas toutes simultanément. La CoVaR aide à repérer ces corrélations cachées.
4.4 Surveiller la stabilité financière globale
Enfin, la CoVaR sert d’indicateur d’alerte précoce pour les autorités de supervision. Lorsque la CoVaR du système augmente, cela peut signaler une montée du risque systémique avant qu’une crise ne se produise.
Les limites de la CoVaR
La CoVaR est un outil puissant, mais elle n’est pas exempte de limites.
Dépendance aux données historiques : les modèles de CoVaR se basent sur le passé. Or, si l’avenir diffère radicalement du passé (comme lors d’une pandémie ou d’un événement inédit), les estimations peuvent devenir inexactes.
Variabilité des corrélations : les liens entre institutions financières ne sont pas stables. En période de crise, les marchés deviennent fortement corrélés, et les interdépendances s’intensifient brutalement.
Complexité technique : l’estimation de la CoVaR demande des données riches et une puissance de calcul importante. Elle est donc plus exigeante à mettre en oeuvre que la VaR classique.
Malgré ces limites, la CoVaR reste un outil essentiel pour comprendre les dynamiques de contagion financière et anticiper les risques systémiques.
Comment la CoVaR aide à réduire le risque
La CoVaR ne se contente pas de mesurer le risque : elle fournit également des leviers d’action pour le réduire.
Réduction du risque systémique : en identifiant les institutions dont la défaillance aurait le plus grand effet domino, les régulateurs peuvent renforcer les pare-feux, comme les exigences de capital ou les limites d’exposition.
Meilleure diversification des portefeuilles : les investisseurs peuvent privilégier des actifs dont la CoVaR croisée est faible, c’est-à-dire des actifs qui ne réagissent pas de manière identique en cas de crise.
Supervision proactive : le suivi régulier de la CoVaR permet d’anticiper les périodes de vulnérabilité du système financier et de déclencher des mesures préventives avant qu’une crise ne se matérialise.
En résumé
Concecpt | Explication |
|---|---|
VaR | Risque individuel : quelle est ma perte maximale probable ? |
CoVaR | Risque conditionnel : quelle est la perte du système si une institution tombe ? |
ΔCoVaR | Impact marginal d’une institution sur le risque global |
Objectif | Mesurer et réduire le risque systémique |
Utilisateurs | Régulateurs, banques centrales, investisseurs institutionnels |
Conclusion
La Co-Value at Risk représente une avancée majeure dans la compréhension du risque financier. Elle repose sur une idée simple mais essentielle : dans un système interconnecté, aucun acteur n’est isolé. Chaque institution est un maillon d’une chaîne dont la solidité dépend du maillon le plus fragile.
Grâce à la CoVaR, les régulateurs et les investisseurs disposent d’un outil capable de mesurer non seulement le risque individuel, mais aussi l’effet domino qu’une défaillance locale peut provoquer à l’échelle mondiale. C’est un pas important vers une finance plus transparente, plus résiliente et mieux préparée aux crises futures.





