Cet article est le premier d’une série d’articles basée sur la présentation de l’université Applications réactives avec Eclipse Vert.x à laquelle j’ai assisté le 04/04/2017, première journée de l’édition 2017 de Devoxx France. L’université était présentée par Julien Viet(lead actuel du projet Vert.x) et Julien Ponge(contributeur du projet Vert.x).
Vert.x est un projet dont j’ai entendu parler durant une édition de Devoxx France il y a 3 ou 4 ans, et que j’ai découvert ensuite à travers une présentation de Devoxx France en 2015, dans une tools in action (présentation de 30mn). Si techniquement les concepts de la librairie étaient clairs, je n’arrivais cependant pas à résumer ce qu’elle était en une phrase. Mon intérêt récent pour l’approche des systèmes réactifs m’a amené à m’intéresser à Vert.x, qui se réclame être conforme à cette approche. Sous cet angle, Vert.x se résume en une phrase : une boîte à outils permettant de construire des systèmes réactifs. Cela sous-entend des cadres d’usage divers, aussi bien dans le domaine classique des applications d’entreprise que dans le domaine de l’embarqué, où l’outil propose un cadre simplifiant la construction d’applications réactives. Vert.x a aussi la spécificité d’être une librairie polyglotte, implémentée actuellement en Java, Javascript, Groovy, Ruby, Ceylon, Scala et Kotlin.
Vert.x étant décrit comme une boîte à outils pour la construction de systèmes réactifs, nous allons commencer par montrer à travers un exemple d’application Vert.x type Hello World ce que cela veut dire.
Rappel sur les systèmes réactifs d’après le manifeste
Le manifeste considère que les systèmes réactifs sont des systèmes qui répondent aux propriétés suivantes :
Disponibilité: capacité à répondre rapidement dans toutes circonstances. Cela implique une capacité à détecter rapidement les erreurs et à les gérer.
Résilience: capacité du système à rester disponible en cas d’erreurs. La résilience peut être atteinte par la réplication des services, par la circonscription des effets des erreurs et la délégation des responsabilités.
Elasticité : capacité du système à rester disponible durant les variations de charge, par l’allocation ou la désallocation de ressources.
Orienté message: le caractère asynchrone de la communication par message renforce le cloisonnement entre les composants et favorise ainsi le découplage et la transparence de localisation.
Première version de Hello World
Le listing 1.1 présente la plus simple version de l’application Hello World en Vert.x, un serveur HTTP qui répond en retournant le message « Hello World ! ».
Attardons-nous un instant sur ce code relativement simple mais qui comporte l’usage d’un des principaux éléments de Vert.x : les verticles. On reviendra aux verticles plus tard, pour l’instant il faut considérer les verticles comme les composants d’une application Vert.x, sujets à des cycles de vie contrôlés par Vert.x. Notre serveur devient donc un verticle en héritant simplement de la classe AbstractVerticle de Vert.x.
Notre application telle quelle est-elle réactive ?
Disponibilité : l’application étant un monolithe, une erreur est totale et ne donne aucune chance de réponse au client. Evidemment, l’exemple est tellement simple qu’on se demande qu’est-ce qui pourrait ne pas fonctionner dans cette application à part une erreur matérielle. Pour faciliter le raisonnement, imaginons que le message « Hello World ! » soit le résultat d’un appel potentiellement sujet à des erreurs, c’est souvent le cas dans la réalité.
Résilience: Encore une fois, l’aspect monolithique fait que l’erreur du système ne donne pas facilement la possibilité de contenir l’erreur à un certain endroit du système.
Elasticité : Lors de la variation des charges, c’est le nombre d’instances de l’application entière qui doit être augmenté ou diminué. Cela n’est pas optimal, car si c’est un service particulier qui est fortement sollicité, alors il est dommage de devoir déployer l’application entière juste pour répliquer ce service enfoui dans le monolithe.
Orienté message : l’application étant un monolithe, les composants sont fortement couplés et ainsi exposés mutuellement à leurs erreurs respectives.
Donc pour que notre système puisse être évalué comme étant réactif ou pas, nous voyons qu’on devrait commencer par le repartir en services distribués. Faisons donc cette répartition dans la prochaine étape.
Deuxième version de Hello World
Comme nous en avions évoqué la possibilité, supposons que le message « Hello World ! » soit fourni par un service, et faisons de ce service un composant à part, autrement-dit un autre verticle, exposant son interface à travers HTTP. Le serveur web va donc contacter ce service par un appel HTTP pour récupérer le message, et le retourner comme réponse à la requête reçue. Appelons donc le nouveau service GreetingService.
Par besoin de clarté on va présenter le code du nouveau service, mais c’est l’évolution du code du serveur initial qui doit retenir notre attention :
Et voici donc l’évolution du serveur HelloWolrd :
Listing 1‑3 HelloWorld faisant appel à GreetingService Evaluons les propriétés de la nouvelle version de l’application :
Disponibilité : Nous notons une amélioration dans ce sens, car à présent en cas d’erreur de l’appel du GreetingService, un traitement explicite est effectué pour retourner le statut au client(ligne13). Cette gestion d’erreur reste améliorable cependant, nous ne sommes pas épargnés par des problèmes de timeout de l’appel par exemple qui impactent tout autant l’utilisateur.
Résilience: en cas d’erreur irrécupérable du GreetingService, nous n’avons malheureusement aucun moyen de rétablir un service normal pour l’utilisateur qui est condamné à recevoir la réponse de fallback. La résilience n’est donc pas vraiment atteinte.
Elasticité : à cause de la référence explicite de l’adresse du GreetingService (machine plus numéro de port), la réplication du service ne bénéficierait pas au serveur HelloWorld, en tout cas pas sans devoir passer par des outils extérieurs qui permettent de remplacer les références explicites par des noms logiques dans les systèmes distribués. Mais comme on le verra dans la 3eme et dernière version de notre application, un des principaux atouts de Vert.x est de permettre d’atteindre la résilience en utilisant directement les fonctionnalités natives de la librairie.
Orienté message : la communication entre les deux composants est certes asynchrone, mais le client a une référence explicite vers le serveur.
Nous allons donc procéder à une dernière évolution toujours dans le but de rendre l’application réactive.
Troisième et dernière version de Hello World
Le changement dans cette version va consister à utiliser une des principales fonctionnalités de Vert.x : l’event bus. L’event bus comme son nom l’indique est un bus de messagerie qui permet la communication orientée message avec les patterns que nous connaissons : publish-subscribe, point-to-point avec possibilité d’émission de réponse. L’event bus va surtout nous apporter la propriété de transparence de localisation, et cela aura les conséquences que nous allons bientôt évaluer. Pour l’instant, voici les codes des nouvelles versions des deux composants.
Pour envoyer ou consommer des messages sur l’event bus, il suffit de spécifier l’adresse virtuelle vers laquelle envoyer ou recevoir le message, et là réside une différence fondamentale par rapport à la communication HTTP basique qui exige l’indication d’une adresse physique. Dans notre exemple, le nom(arbitraire) de l’adresse utilisée est GreetingService par GreetingService et HelloWorld, pour envoyer des messages ou répondre aux messages reçus.
Evaluons à présent le degré de conformité de cette version de l’application aux propriétés des systèmes réactifs.
Disponibilité : l’introduction de l’event bus n’a pas vraiment amélioré directement la capacité de disponibilité de l’application.
Résilience : grâce à l’adresse virtuelle utilisée par la communication à travers l’event bus, la transparence de localisation est atteinte entre les deux composants, et par conséquent, en cas d’erreur irrécupérable du GreetingService, le message du serveur HelloWorld pourra être transmis à une autre instance du service, déjà existante ou créée sur l’occasion, pour continuer à fournir un service normal à l’utilisateur. La résilience est donc atteinte.
Elasticité: tout comme pour la résilience, la transparence de localisation permet de rendre l’application élastique. En cas de forte sollicitation, le GreetingService peut être répliqué, et Vert.x balancera dynamiquement les appels vers les différentes réplications. Cela devient possible par l’usage de l’adresse virtuelle utilisée dans la communication à travers l’event bus.
Orienté message : grâce à la communication asynchrone et l’adressage virtuelle, nous atteignons le niveau d’isolation souhaité entre les composants.
Cet exemple d’application a donc permis de voir à travers ses évolutions pourquoi Vert.x est considéré comme réactif. C’est parce qu’il fournit les fonctionnalités requises pour construire naturellement des applications répondant aux propriétés des systèmes réactifs.
Nous venons de voir que grâce à ses fonctionnalités Vert.x permet la construction de systèmes réactifs.
Pour comprendre les principes de bases sur lesquels repose Vert.x, cinq sujets essentiels seront abordés dans une série de 5 articles « Vert.x Basics » :
x Basics (1/5) : le modèle de concurrence
x Basics (2/5) : concurrence et scalabilité avec les verticles
x Basics (3/5) : haute disponibilité et failover
x Basics (4/5) : gestion des évènements asynchrones
x Basics (5/5) : l’event bus