Un peu de contexte
MIFID 2 (MIFID pour Markets in Financial Instruments Directive) fait suite à son petit frère MIFID 1, mise en place en 2007, qui avait déjà pour objectif :
d’améliorer la protection des investisseurs via une série de mesures axées sur la mise en place de règles d’organisation, de bonne conduite et de renforcement de la classification des clients ;
d’abroger la règle de centralisation des ordres sur les marchés réglementés mettant fin au monopole des bourses historiques.
Malheureusement, la première version de MIFID n’a pas eu le succès escompté.
La crise de 2008 a mis en évidence :
le manque de liquidité,
les défauts de règlements/livraisons,
le contournement du principe de transparence en passant par des plates-formes « dark pools ».
A cause de ces manquements dans la première directive, une nouvelle réglementation aboutie dix années plus tard.
Scope d’application
MIFID 2 est considérée comme une des réglementations Européennes majeures en matière de protection des investisseurs. Elle concerne les produits financiers comme les actions, obligations, dérives, structurés… mais également les services d’investissement (conseil, recherche, ordres boursiers…) pour une mise en application depuis janvier 2018. (Initialement janvier 2017)
Concrètement, qu’impose MIFID 2 aux institutions financières
MIFID 2 impose une série de mesures qui ont pour but de clarifier et rendre plus transparent les produits et les transactions financières. Les mesures phares étant les suivantes :
Un profil d'investisseur adapté ;
Des coûts d'investisseur adapté ;
Une plus grande transparence des transactions.
Je vous propose de rentrer plus dans le détail de ces 3 mesures phares pour en comprendre les impacts.
Un profil d'investisseur adapté
Dans une optique d'améliorer le conseil et le ciblage des produits pour un client, le concepteur du produit doit expliquer clairement les caractéristiques de son produit en détaillant :
le type de placement,
le type de client ciblé,
les risques,
l’horizon de placement,
les coûts.
MIFID 2 considère ces éléments comme indispensables à la bonne compréhension du produit par le client. Le distributeur du produit a également des obligations vis-à-vis du client et s'engage dorénavant à :
mettre à disposition les informations produites par le concepteur,
proposer des produits en adéquation avec le profil et le besoin du client.
La régulation pousse donc le distributeur à avoir une connaissance toujours plus approfondie de son client.
Des coûts et rémunération clairs
De la même manière que MIFID 2 impose de clarifier et d’assurer une bonne compréhension des produits. C'est pourquoi les coûts, la rémunération des différentes intervenants et services font l’objet d’un éclaircissement. Cette partie de la régulation reprend les principes existant dans MIFID 1. Mais va plus loin dans le détail des coûts imputés à un client en détaillant les rémunérations (nature, coûts…) des différents acteurs (analyste, concepteur, distributeur, etc …) en justification du ou des services proposés.
Pour illustrer avec un exemple concret :
Afin de lutter contre les conflits d’intérêts et assurer une meilleure transparence des coûts, MIFID 2 impose aux acteurs financiers de vendre leur recherche.
Auparavant, ce type d’informations était la plupart du temps gratuit, mais financer indirectement par les ordres qu’il suscitait. Le client recevait régulièrement des rapports écrits sur des sociétés cotées. Et il avait la possibilité de contacter directement des analystes financiers.
Avec MIFID 2, la recherche est refacturée au client et lui impose donc de choisir entre différentes prestations : du simple écrit au conseil personnalisé.
Une illustration de l’application de cette mesure est par exemple l’affichage de la recherche dans les outils de trading qui ne sera plus systématique mais en fonction de la prestation de service demandée par le client comme on peut la trouver dans la plateforme de passage d’ordres Electryon d’Invivoo.
Une plus grande transparence des transactions
Une révolution s’opère également sur la transparence des négociations et des transactions que l’on peut exposer en 3 étapes majeures :
Une première transparence en rendant obligatoire le passage via des plateformes de négociation pour un large spectre de produits ;
Un deuxième niveau de transparence en rendant public les prix négociés avec un client pour les produits réputés liquide et cela en temps réel ;
Un dernier niveau de transparence en rendant publique les transactions réalisées en y détaillant entre autres les volumes, prix et heure de transaction.
L’impact de MIFID 2 par l’exemple
Rien de mieux qu’un exemple concret pour bien appréhender et assimiler l’impact de cette régulation. Je vous propose donc de nous concentrer sur les impacts de la régulation sur la négociation d’un produit OTC jusqu’à son exécution.
Vous l’aurez compris, le but ici n’est pas de présenter un workflow de négociation dans son intégralité. Il s'agit de comprendre l’impact de MIFID pour un vendeur. A chaque phase de la négociation, la régulation impose une connaissance client et produit approfondie :
Trading obligation répond à la question : « Est-ce que l’institution financière est autorisée à traiter ce produit en direct avec le client ou est-ce que le client doit passer par une « Trading venue » (par exemple un marché régulé) ? ». Cette étape est bloquante lors de la négociation et oblige l’institution financière à stopper la négociation et à orienter son client vers une trading venue.
Suitability répond à la question : « Est-ce le profil du client est compatible avec le type de produit proposé ? » Plus concrètement, est-ce que le client a les connaissances et les compétences pour acheter ce type de produit ? Cette étape est également bloquante et oblige l’institution financière soit à stopper la négociation, soit orienter son client vers une autre type de produit.
Product Documentation : l’institution financière se doit de fournir des indicateurs de risques, coûts, horizon… sur le produit qu’il vend à son client sous forme de documentation. Cette documentation est obligatoire et bloque la négociation si elle n’est pas transmise au plus tard à la transmission du prix.
Pre trade transparency : Chaque communication d’un prix ferme à un client est rendue publique (si le produit et le prix communiqués au client rentrent dans le contexte MIFID). Cette publication permet à d’autres clients d’exécuter au même prix (dans un temps imparti et des conditions similaires).
Post trade transparency : Chaque exécution avec un client est rendue publique (si le produit et le prix d’exécution rentrent dans le contexte MIFID) afin d’informer les acteurs du marché.
Reporting : « Transaction reporting », « FIRDS », « Quality of Execution » et « Best execution » ont pour but de rendre plus compréhensible ce qui a été négocié et/ou traité (avec une granularité et des indicateurs qui différent selon les reportings). On peut retrouver notamment le volume négocié/traité par type de produits, un classement des acteurs par volume/type de produits traités…
Cet exemple illustre bien les obligations imposées par cette nouvelle régulation. Avant même de pouvoir fournir un prix à un client, le vendeur doit répondre à pas moins de 5 mesures. Ceci sans compter sur de nouvelles régulations comme PRiiPS qui vont encore alourdir le workflow. Dans un contexte de digitalisation ou la rapidité est un vrai enjeu, on comprend bien que MIFID 2 est également un vrai challenge technique pour les institutions financières.
Pour conclure
Nous avons survolé que les principales règles de MIFID 2, mais pour donner une idée de l’ampleur de cette réglementation, MIFID 2 couvre également (sans donner une liste exhaustive car les textes de la régulation ne font pas moins de 7 000 pages) :
Une normalisation de la description des produits ;
Un durcissement des règles de la vente et la distribution des produits complexes ;
La formation des acteurs sur les marchés ;
Une meilleure identification des intervenants lors d’une transaction en bourse ;
Une plus grande réglementation sur le trading haute fréquence et algo trading ;
Un durcissement sur le marché des matières premières ;
Un durcissement des règles concernant les moyens de communications (téléphonique et électronique) ;
Un renforcement du reporting sur les transactions et leur contenu.
Si l’on devait résumer MIFID 2 en une seule phrase, retenez simplement que « MIFID 2 a pour but premier de protéger l’investisseur et de s’assurer que les institutions financières jouent leurs rôles en proposant des produits adaptés à leurs clients, dans un souci de respect des risques et de transparence. »
Liens utiles :
Le site de l’AMF (Autorité des Marchés Financiers) : http://www.amf-france.org/Acteurs-et-produits/Marches-financiers-et-infrastructures/De-MIF-1-a-MIF-2/Les-principaux-apports-de-MIF-2
Le site de l’ESMA (European Securities ans Markets Authority) : https://www.esma.europa.eu/policy-rules/mifid-ii-and-mifir