Les Warrants : Pourquoi ressemblent-ils à s’y méprendre aux Options ?
Warrants et Option : en apparence, les mêmes !
Les warrants et les options sont des produits financiers qui semblent à première vue similaires. Les deux sont des produits optionnels, permettant à l’acheteur d’exercer ou non un droit à la date de maturité. Ce droit étant de pouvoir acheter ou vendre un sous-jacent à un prix préférentiel. Par exemple, un call et un call warrant sur l’action BNP, avec un prix d’exercice (strike) à 42€, dans 1 an, sont tous deux des options d’achats, qui permettent dans un an d’acheter une action BNP à au prix préférentiel de 42€. Si l’action côté en dessous de 42, l’option ne sera pas exercée, car elle ne rapporterait rien : On dit qu’elle est abandonnée. En revanche si l’action côté au-dessus de 42, 45€ par exemple, alors l’option sera exercée pour un gain de 45€ - 42€ = 3€. En échange de ce droit, l’acheteur paye un premium au vendeur, au moment où il achète ce contrat.
Un détail qui change tout
La distinction de ces deux produits vient de la façon dont ils sont créés : les warrants sont émis en nombre limité par une banque, qui assurera le rôle de « market maker », tandis que les options sont des contrats créés par des marchés financiers (pour des options listées). C’est de cette distinction fondamentale que viennent toutes les différences que nous allons voir.
L’illusion d’un spread bid-ask plus attrayant
Une fois les warrants émis, la banque joue le rôle de « market maker », c’est-à-dire qu’elle s’engage à toujours fournir un prix à l’achat (ask) et à la vente (bid) du produit (sauf si la totalité des warrants venait à être vendu, la banque serait alors en « bid only »). La différence entre le bid et le ask est appelée le « bid-ask spread ». Cette donnée permet de visualiser si les prix d’achat et de vente sont proches de la valeur réelle du warrant ou non. On peut visualiser cette donnée par un bureau de change, qui affiche un prix à l’achat et la vente de l’EUR/USD :
- Un taux de change 1.12 / 1.14 correspond à un bid-ask spread de 0.02€, et permet d’acheter 112 dollars avec 100 euros au début des vacances, et permet de rendre ces dollars contre des euros, quand on rentre en Europe, au taux 1.14$ pour 1€.
- Alors que un taux de change de 1.00 / 1.26 correspond à un bid-ask spread de 0.26€, qui permet d’acheter seulement 100 dollars avec 100 euros, et où il faudrait 1.26$ pour obtenir 1€ au retour.
Un bid-ask spread serré est souvent attrayant pour les investisseurs, et sur les warrants, le bid-ask spread est plus fin que celui d’une option. Les warrants seraient donc plus intéressants que les options ? Il faut se méfier !
Lors de l’émission des warrants, la banque sait que les investisseurs vont vouloir l’acheter (et non le vendre). L’émetteur profite de cette information pour décaler la fourchette de prix vers l’achat : le prix d’achat et de vente ne sont plus centrés sur la valeur théorique du warrant. Ainsi la marge à l’achat est grande, alors que la marge à la vente est minime, mais à ce moment-là la banque sait que les investisseurs vont acheter et non vendre. La banque propose donc un produit avec une marge qui semble petite (car le bid-ask spread est petit) mais en réalité, la marge à l’achat reste importante.
De la même manière, à la maturité les investisseurs veulent revendre leurs warrants : l’émetteur va donc décaler la fourchette de prix pendant toute la vie du produit, de l’achat vers la vente, pour toujours proposer un bid-ask spread petit, mais une marge importante à la vente, en fin de vie du produit.
Ce mécanisme ne pose pas de problème pour un trader qui ferait de l’intra-day (achat et revente dans la même journée), mais si un investisseur veut détenir le produit de l’émission à la maturité, ce mécanisme est à prendre en compte.
Ses atouts : fort effet de levier et pertes limitées
Une autre différence importante entre ces deux produits, qui va jouer sur le type d’investisseur, est qu’on ne peut vendre qu’un warrant qu’on a acheté précédemment. Cette affirmation n’est pas correcte pour une option : on peut très bien être vendeur d’une option sans l’avoir acheté avant. Dans ce cas-là le risque n’est pas borné, on peut perdre plus que la somme initiale investie. Au contraire, un acheteur de warrant ne pourra jamais perdre plus que la prime qu’il a payée au début. Les clients principaux des warrants seront des petits hedge fund, avec une liquidité limitée, qui pourront faire une spéculation directionnelle, avec un effet de levier, et une limite de risque (car ils ne peuvent pas se refinancer).
Le Turbo est un type de Warrant
Un Warrant à fort effet de levier
Le Turbo est lui aussi émis par une banque. Il donne le droit d’acheter/vendre un sous-jacent à un prix prédéfini. Il s’agit donc d’un warrant. Mais il se distingue du warrant classique par deux caractéristiques essentielles et structurantes :
Il peut être exercé à tout moment (à l’instar d’une option américaine):
Il permet à l’investisseur de bénéficier de chaque mouvement favorable tant que le prix d’exercice n’est pas franchi. La composante majeure de son prix est sa valeur intrinséque.
L’impact très limité des variations de volatilité implicite sur son prix, rend le Turbo particulièrement attractif.
Un mécanisme de barrière qui l’annule (désactive) dès lors que le niveau du sous-jacent franchie une valeur (la barrière) prédéfinie à n'importe quel moment pendant la durée de sa vie :
Cette particularité se manifeste dans le prix du Turbo qui est bien moindre que celui du warrant classique tandis qu’il offre les mêmes performances, générant un rendement bien supérieur, si la barrière n’est pas franchie.
Ce qui lui confère un effet de levier supérieur.
Un Warrant plus risqué
Ces avantages ne doivent pas faire oublier les risques associés aux Turbos :
Pouvant expirer à tout moment (barrière désactivante), il présente des risques normalement plus élevés que les warrants classiques de caractéristiques identiques.
Comme pour les Warrants classiques, l’investisseur peut subir une perte totale de son investissement d’autant plus importante que l’effet de levier est supérieur.
Exemple : un Turbo sur indice CAC 40
L’exemple suivant met en relief les caractéristiques d’un investissement avec un Call Turbo en le comparant avec un investissement direct sur le même sous-jacent.
Si l’on considère un investisseur qui anticipe une hausse de l’indice CAC 40 dans les prochains jours estimant que le cours passera de 5100 points à 5200 points.
Il pourra alors acheter un Call Turbo aux caractéristiques suivantes :
Le tableau ci-dessous résume les résultants des stratégies obtenus :
Le tableau souligne la supériorité notable du retour sur investissement et d’effet de levier obtenus avec le Call Turbo.
Toutefois, si l’indice avait atteint les 5000 points à n’importe quel moment, le Call Turbo aurait subit une perte correspondant à 100% du capital investi.
Conclusion
Nous avons vu au travers de la présentation du Warrant dans cet article qu’il se faut méfier des apparences.
En effet, à première vue, il est facile de se méprendre et de confondre Warrants , Options et Turbos. Nous avons montré qu’ils diffèrent singulièrement dans leur stratégie d’investissement malgré des définitions très proches.
Mais, cet article a été aussi l’occasion de rappeler qu’un investissement a toujours deux volets : le rendement et le risque qui sont (devraient être) liés par une relation inverse : un investissement qui offre des rendements théoriques élevés va de pair avec un risque élevé également. Aussi, toute offre d’investissement devrait toujours vous permettre de connaître le profil de risque (appétence aux risques) à qui il s’adresse en plus de la stratégie qu’elle permet de mettre en œuvre.
LES AUTEURS
Eric est titulaire d’un Master en informatique et de la certification FRM. Il possède également 18 années d’expérience autour des systèmes d’information dans le secteur de la finance de marché.
Il a commencé sa carrière professionnelle chez l’éditeur de progiciels financiers Reuters où il est intervenu sur différents projets en tant que développeur, chef de projet puis MOA. Désirant consolider sa connaissance du métier de la banque, il s’est orienté par la suite vers le consulting en tant que MOA / chef de projet en menant des missions dans le domaine du risque financier (marché et crédit) et du réglementaire auprès des grandes BFIs.
Doté de cette solide expertise doublée d’une forte appétence pour les technologies innovantes, il a pris en charge le développement d’un Lab RegTech en collaboration avec le directeur des opérations. En 2018, il rejoint INVIVOO en tant que manager du pôle d’expertise Risques et consultant MOA.